C’est la promesse d’une Europe qui livre : dans les Balkans occidentaux, le « plan de croissance » de la Commission n’est pas un énième slogan, mais un test grandeur nature d’une Europe des résultats. Alors que les populistes, de l’extrême droite à l’ultra gauche, recyclent les fantasmes d’une « Bruxelles bureaucratique », l’Union met sur la table un contrat simple : des réformes mesurables contre une intégration accélérée au marché unique et des financements débloqués au rythme des résultats. Autrement dit, le langage préféré des entrepreneurs, des investisseurs et des citoyens : la performance.
Concrètement, le Plan repose sur quatre piliers, faciles à comprendre et exigeants à mettre en œuvre : intégration graduelle au marché unique de l’UE, approfondissement de l’intégration économique régionale, réformes fondamentales (État de droit, concurrence, gouvernance), et soutien financier accru et conditionné à la mise en œuvre. C’est la logique du give-and-get, assumée comme telle par la Commission dans sa feuille de route avec les capitales de la région. Loin des tuyauteries institutionnelles, cette approche met la barre au bon endroit : ouverture des marchés et règles du jeu claires d’un côté ; transferts financiers et accès anticipé à certains avantages du marché unique de l’autre.
L’argent suit les réformes, pas l’inverse. Avec l’Instrument de réforme et de croissance (Reform and Growth Facility), l’UE rémunère le résultat. Exemple parlant : la Serbie dispose d’une enveloppe indicative de 1,586 milliard d’euros, dont le décaissement dépend d’un agenda de réformes couvrant le climat des affaires, la transition verte et numérique, le capital humain et, point cardinal, les fondamentaux de l’État de droit. Le versement est expressément conditionné au respect de prérequis politiques, dont l’engagement constructif dans la normalisation des relations avec le Kosovo — un rappel utile que l’intégration économique n’exonère pas des responsabilités politiques qui garantissent la stabilité des affaires. Cette conditionnalité, que certains démagogues dénoncent, est précisément ce qui protège l’intérêt général européen et la crédibilité du processus d’élargissement.
Les « livrables » pro-business sont tout sauf théoriques. D’abord, l’intégration régionale accélère : sous l’égide du Processus de Berlin, les dirigeants ont validé un nouveau plan d’action pour le Marché régional commun (CRM) 2025-2028, adopté une feuille de route d’adaptation climatique, et débloqué des décisions CEFTA longtemps bloquées — l’huile qui manquait aux rouages des chaînes de valeur régionales. En parallèle, la feuille de route pour le roaming entre l’UE et les Balkans occidentaux est entrée dans sa première phase de mise en œuvre : moins de friction, plus de mobilité des talents, moins de coûts pour les PME qui exportent leurs services. Ensuite, sur les flux physiques, l’extension des « green lanes » vers les États membres est engagée : files réduites aux frontières, fluidité logistique, et donc gains de productivité immédiats pour le commerce transfrontalier.
Ce n’est pas un hasard si, dans la pratique, l’économie de la région se greffe déjà à celle de l’Union. La Serbie réalise 58,3 % de son commerce avec l’UE — bien davantage qu’avec son deuxième partenaire, la zone CEFTA, à 9 % — et bénéficie de l’IPA III, de programmes comme Horizon Europe, Digital Europe, Erasmus+, ou encore de la Connecting Europe Facility. Autrement dit, l’UE n’est pas « une perspective lointaine » : c’est déjà le premier marché, le premier investisseur, la première plateforme d’innovation. Et le plan de croissance vient mettre de l’ordre, de la discipline et des incitations dans ce qui existe déjà, pour maximiser l’impact macro et micro-économique.
Rien de tout cela n’exonère de livrer côté capacités publiques et gouvernance de projet. L’UE finance, mais ne peut pas, à la place des États, rédiger les cahiers des charges, accélérer les appels d’offres ou sécuriser les expropriations. Les retards sur certains tronçons TEN-T illustrent ce défi de l’exécution : les études, la mise aux normes et la préparation technique doivent s’accélérer si l’on veut transformer les enveloppes en kilomètres de voie ferrée ou de route, et donc en points de PIB. Sur le versant budgétaire et des réformes économiques, l’insistance européenne sur des cadres pluriannuels crédibles, la transparence des dépenses, la réduction des mesures ad hoc, et la programmation via les Programmes de Réforme Économique (ERP) est une assurance qualité pour l’investisseur : visibilité, prévisibilité, responsabilité.
Pour les entreprises, le message est limpide. Western Balkans 2.0, c’est:
- Davantage d’accès effectif au marché européen via la reconnaissance mutuelle, la baisse des coûts de transaction (roaming, green lanes), et des normes convergentes.
- Un agenda pro-compétitivité qui met le climat des affaires, la concurrence loyale et les droits de propriété au cœur des décaissements européens, donc moins d’arbitraire et plus de rule of law à horizon visible.
- Des opportunités de cofinancement sous IPA III et via les plateformes régionales d’investissement, dans l’énergie, le transport, le numérique et la formation des talents — avec un accent sur les PME et leur montée en gamme, là où le besoin de soutien reste le plus aigu pour le passage à l’échelle.
Pour la société, les bénéfices européens sont tangibles et cumulatifs : mobilité académique facilitée, compétences reconnues, baisse des coûts de communication, réseaux d’infrastructures interopérables, services publics numériques compatibles avec les standards européens. Exactement l’inverse du repli identitaire et du protectionnisme punitif que vendent les extrêmes — des recettes qui ont toujours appauvri les classes moyennes et verrouillé l’ascenseur social.
Le plan de croissance n’est pas un « cadeau » fait aux Balkans occidentaux ; c’est un investissement dans la souveraineté européenne par l’élargissement réussi. Il protège notre marché de la fragmentation, sécurise nos chaînes d’approvisionnement, stabilise notre voisinage et étend l’espace de liberté économique et politique. Les conditionnalités — y compris sur la normalisation des relations entre voisins — ne sont pas des vexations diplomatiques : ce sont les garde-fous qui garantissent aux contribuables et aux entrepreneurs que chaque euro engagé produit des résultats conformes à nos valeurs et à nos intérêts.
À l’heure où les discours eurosceptiques prospèrent sur le court-termisme et le mensonge, les Balkans occidentaux offrent un contre-récit puissant : celui d’une Europe qui tient parole, qui récompense les réformateurs et qui accélère l’intégration quand les résultats sont là. Western Balkans 2.0 n’est pas seulement une politique d’élargissement ; c’est un prototype d’Europe fédérale par la preuve, où l’union politique s’enracine dans la création de valeur, la concurrence ouverte et la liberté individuelle. C’est ainsi — pas à pas, résultat après résultat — que se construit l’Europe des résultats, la seule capable d’emmener le continent au-delà des peurs agitées par les extrêmes et de redonner aux jeunes générations l’envie d’entreprendre, d’innover et d’adhérer.


