Tu connais la musique: on te promet des “synergies”, tu entends “ROI garanti”, tu vois “fusion des rédactions”, tu traduis “moins de frictions, plus de prod, face cam qui crache des minutes”. Question: est-ce un vrai edge d’exécution ou juste un buzzword pour habiller des slides? Spoiler: quand c’est piloté, ça performe. Quand c’est mal gouverné, ça dilue l’alpha.

Dans le dur, la fusion de rédacs n’est pas une idée neuve. France Télévisions a basculé en newsroom nationale unique en 2019: adieu logique par chaînes, bonjour pilotage centralisé, ressources mutualisées, reportages optimisés et jours de mission réduits. Ça, c’est du concret côté process et P&L éditorial . Au passage, l’entreprise a basculé d’une logique d’antennes vers une transversale métiers/soutiens, avec industrialisation de la fab de contenus. Quand tu construis une usine à sujets, tu surveilles les flux, pas les plaques de portes.

Les chiffres? La productivité de la direction de l’info nationale progresse de 9,7% entre 2017 et 2024, pour 8 401 heures diffusées en moyenne par an, avec un ratio heure/ETP qui s’améliore. Et ça, c’est avant même d’additionner le boost Télématin intégré dans les volumes 2024. Traduction: plus d’output pour des inputs mieux orchestrés. La mutualisation aide aussi à tenir le coût de grille de l’info, sujet sensible quand le cash est sous pression.

Mais la “synergie” ne se décrète pas, elle se gouverne. Case study franceinfo: audiences TV faibles, gouvernance éclatée entre TV, radio et web, et articulation limitée faute de pilotage commun. Résultat: potentiel sous-exploité, alors que l’ambition est d’être un média global radio-TV-web vraiment intégré. Le diagnostic est clair: mettre un vrai leadership commun et synchroniser les équipes et les grilles, sinon la promesse reste théorique. Pendant que la concurrence déroule, la part d’audience de franceinfo reste derrière les autres chaînes d’info en continu, preuve que l’exécution compte plus que le storytelling sur la convergence.

Sur le terrain, le “face cam” est l’outil parfait pour scaler vite: matinales filmées, radio filmée, studios “cross média”, tout ce qui accélère la mise en images d’un flux déjà scripté. Les matinales filmées France Bleu/France 3 ont justement été déployées à grande échelle, mais avec des coûts et une logistique à caler station par station. C’est de l’EV+ si la récurrence et la distribution suivent. Côté “radio filmée”, la convergence s’ancre: filmer des éditions radio et pousser sur TV et numérique devient une norme opérationnelle. La Guyane a poussé le curseur plus loin avec un studio et une régie cross média; moins de personnes mobilisées par édition TV que le standard, mais des résultats d’audience contrastés selon créneau. Le message est cash: la techno et le staffing optimisés ne suffisent pas sans ligne éditoriale fine et réglages qualité béton.

Autre alpha, souvent sous-estimé par les parieurs du buzzword: les régions. Malgré les grèves et la complexité sociale, les antennes locales affichent des performances d’audience supérieures à la moyenne de la chaîne, preuve que la proximité convertit mieux. En parallèle, le “numérique” capte plus de vacations journalistes (+11,1% entre S1 2023 et S2 2024). Tu veux de la synergie utile? Donne aux rédactions locales des sujets, des outils communs, et une gouvernance qui fluidifie les échanges. C’est ce qui se passe avec France 3 Toutes Régions, IV3 et l’outil Open Média: circulation des sujets, continuité d’antenne, et contribution accrue des bureaux régionaux aux éditions nationales (+10,6% d’activité 2017-2024).

Le point noir classique des fusions: les achats et la fab. Sans mutualisation des achats de programmes et droits (ou, au minimum, sans appui systématique des directions expertes aux antennes), tu crames de la marge en négociant en silo. L’échelle, c’est l’arme. Et côté fab interne, les réformes ont augmenté le recours à la production maison, mais les gains de coûts et synergies restent à consolider. Si ton usinage de contenus n’est pas piloté par les bons KPIs, tu perds du spread sur chaque minute produite. Idem pour la convergence France 3/France Bleu: synergies métiers identifiées (environ 650 profils techniques/administratifs avec compétences communes) et matinales filmées déployées, mais il faut chiffrer, harmoniser, exécuter, sinon le projet reste une belle promesse qui consomme du cash sans retourner le marché.

Tu veux un framework EV+ pour juger une fusion de rédacs avant d’y mettre ton stack réputationnel et ton budget?

  • Gouvernance unifiée, décision rapide, OKR communs. Pas de GIE paralysé, pas de pilotage bicéphale qui tue la vitesse de distribution.
  • KPI de prod clairs: heures diffusées/ETP, coût par minute, taux de réutilisation cross-média, ratio face cam vs sujets montés, time-to-air par format. Le +9,7% montre la direction: on scale ce qui marche et on “kill” vite ce qui lag.
  • Stack outils unifié: planification, montage, DAM, Open Média-like pour partager en temps réel. Les synergies existent quand le sujet circule sans friction.
  • Mix éditorial calibré: les régions pour l’engagement, le national pour la puissance, le face cam pour la vélocité. Tu ajustes en A/B test live, pas au feeling.
  • Discipline achats et fab: expertise centrale au service du réseau pour droits/programmes; fab interne pilotée par coûts réels, pas par intentions.
  • Convergence radio-TV-web vraie: conf’ de rédac commune quotidienne, workflow par contenu (chaud/froid), et distribution orchestrée par créneaux et plateformes. Sans ça, la “convergence” n’est qu’un mot joli.

Verdict? Synergies ou buzzword. Les deux existent. La fusion des rédactions produit de la valeur quand elle est traitée comme un deal M&A avec P&L sous stéroïdes: gouvernance unique, mesure temps réel, arbitrages secs, et une culture produit qui transforme le “face cam” en usine à formats distribuables. Les chiffres de productivité et l’industrialisation des workflows prouvent que l’EV peut être positive quand l’exécution suit. À l’inverse, sans direction commune ni mutualisation intelligente, tu fais du bruit, tu crames du temps, et tu laisses l’alpha sur la table au profit des plus rapides. En trading comme en rédaction, le bluff ne paie pas longtemps: seule l’exécution imprime.