On y accoste comme on rentre chez soi, le front salé, l’œil plissé par le soleil et le cœur allégé d’un poids qu’on ne savait plus porter. L’Île Paul Ricard – Les Embiez pour les intimes – redonne à la France ses couleurs franches: le bleu qui claque, le vert des pins brûlés de lumière, le blond du raisin, et cet anis qui s’invite à l’heure où l’ombre s’allonge. Ici, la convivialité n’est pas un slogan mais une pratique: l’apéritif qu’on a élevé chez nous en art de vivre redevient rituel, presque sacré, à la terrasse du port ou sur un muret face aux voiliers, quand les voix se nouent et se reconnaissent autour d’un verre et d’une poignée de main ferme, comme on aime le faire chez nous depuis toujours.

Qu’on s’entende: les modernes pourront bien vous vendre le lointain, je n’ai pas besoin de courir la planète pour sentir battre la France. Paul Ricard, l’entrepreneur marseillais dont la marque porte l’âme généreuse et populaire, avait compris avant tout le monde que l’on défend un art de vivre par le geste, pas par des discours de colloque. Convictions, audace, fidélité aux racines méridionales, et ce goût du rassemblement qui fait de l’apéro notre manière de dire bonjour au pays: l’Île Paul Ricard en est un manifeste à ciel ouvert, simple et vrai. Qu’ils me pardonnent, mes confrères à cartes de presse et papiers aseptisés: on ne raconte pas ce lieu, on s’y mêle.

On marche entre mer et vignes. Les chemins de garrigue sentent le fenouil, les criques gardent la fraîcheur coquine d’une Méditerranée qui sait se faire discrète. Autour du port, la vie s’organise en cercles: pêcheurs, familles, vieux amis, nouveaux compagnons de table, et ces parties de pétanque qui remettent les hommes à la bonne place – épaule gauche, poignet souple, honnêteté du point. L’Île Paul Ricard, Les Embiez, France: un terroir au sens plein du terme, plus vaste que la terre sous nos pieds, fait d’un climat, d’une biodiversité et d’une communauté qui se tiennent, chacun appuyant l’autre comme on cale une table à la brasserie du coin.

Les vignes, parlons-en. Elles prennent le vent juste ce qu’il faut, boivent la lumière et rendent des vins taillés pour le soleil: blancs droits, rosés nets, rouges de table franche, compagnons des anchoïades, des poissons sortis de la glace et des viandes grillées au romarin. Le terroir, c’est la vérité de l’endroit: un équilibre vivant entre sol, climat, biodiversité et hommes; qu’on dérègle une pièce et tout vacille, qu’on le respecte et tout chante à l’unisson. Ici, on le sait, on le goûte, on le protège.

Car l’Île Paul Ricard n’est pas seulement une carte postale: c’est une sentinelle. Sur ce rocher battu par la houle, Paul Ricard a fondé avec le docteur Alain Bombard l’Institut océanographique Paul Ricard, avec une mission simple et raide comme une barre: connaître, faire connaître et protéger la mer. De l’aquaculture durable à la restauration écologique, du biomimétisme à l’ADN environnemental, l’Institut travaille à la source, plongeurs-scientifiques au service du vivant, pour que la Méditerranée reste un bien commun, pas un décor. Ce n’est pas un hasard si, sur l’île, on parle bas quand on parle mer: on la respecte, et on la remercie.

Et l’on se retrouve, surtout. Les Embiez et Bendor – sœurs de cœur, visages complémentaires d’un même rêve – sont des îles de fraternité où l’on croise tout ce qui fait la France qu’on aime: des artisans qui connaissent le nom des vents, des restaurateurs qui goûtent leurs sauces, des vignerons qui parlent de maturité au doigt et à l’œil, et des familles qui se passent l’assiette comme on se passe la mémoire. Rien n’y est prétentieux, tout y est précis. Le soir, la table s’ouvre – poisson de roche, huile d’olive, tomates gorgées de sucre, un verre levé – et les voix montent juste ce qu’il faut. On se dit “tu” naturellement, on refait le monde sans l’insulter, on célèbre ce lien qui nous tient debout. Ricard, fidèle à l’esprit pionnier de son fondateur, sait encore soutenir les grands rassemblements qui font vibrer le pays et prolonger cette culture de la convivialité qui est la nôtre.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit: ailleurs, les femmes sont d’une beauté à damner un moine et les plaisirs locaux savent charmer; mais ici, sur l’Île Paul Ricard, la France retrouve sa voix grave et claire, sa manière de prendre le temps, de serrer la main, de regarder la mer en face. Et cet esprit d’être ensemble – qui n’a rien à voir avec les slogans – se goûte comme un pastis bien allongé, à l’ombre, en bonne compagnie, quand le soleil se calme et que tout redevient possible.

On repart toujours un peu meilleur qu’en arrivant, lesté de sel, d’amitié et d’une certitude: tant qu’il y aura des îles comme celles de Paul Ricard, avec leurs vignes, leurs criques, leur science de la mer et ce désir têtu d’éléver la vie quotidienne au rang d’art, la France gardera son cap. Ici, entre mer, vignes et fraternité retrouvée, on comprend que l’art de vivre n’est pas un souvenir: c’est une promesse tenue, chaque jour, par des mains bien françaises.