Introduction: La logique du gadget contre la compétitivité
Assez des hochets numériques brandis pour masquer l’essentiel. « Albert », le dernier gadget bureaucratique lancé en fanfare pour fluidifier quelques démarches et retranscrire des dépôts de plainte, coche toutes les cases du symbole: solution cosmétique, coûts cachés, et zéro impact sur la compétitivité réelle des entreprises françaises. Pendant que l’administration parade avec un chatbot, nos concurrents américains et plusieurs États membres plus agiles alignent capital, calcul et concurrence au service de la croissance.
En avril 2024, Matignon a d’ailleurs officialisé « Albert » comme service d’IA censé simplifier la paperasserie: une illustration parfaite d’un État qui préfère les annonces aux réformes structurelles dont nos entrepreneurs ont besoin.
Des milliards dépensés en gadgets et commissions
La logique du gadget nourrit la logique de la dépense. Au lieu de libérer les marchés, la France empile commissions et plans à plusieurs milliards, espérant que la subvention se substitue à la réforme. La Commission de l’IA a ainsi publié 25 recommandations chiffrées à 27 milliards d’euros: l’ambition affichée est vaste, mais le biais reste le même — injecter des fonds publics et réglementer, plutôt que d’ouvrir le jeu concurrentiel et fluidifier l’investissement privé.
Les jeunes dirigeants n’ont pas besoin d’un énième « plan », mais de barrières en moins, de capitaux en plus, et d’une Europe qui assume un marché unique profond, sans frontières internes pour les services, la data et les talents.
Le différentiel avec les États-Unis: Administration et concentration
Le différentiel avec les États-Unis ne tient pas à un déficit d’idées, mais à un excès d’administration. Dans les filières technologiques critiques, la concentration de puissance n’attend pas: un seul acteur domine l’accès aux composants clés de l’IA, avec le risque de conditions contractuelles verrouillantes et d’effets de dépendance en cascade pour tout l’écosystème européen.
Autrement dit, si l’on veut bâtir des champions, il faut d’abord leur garantir un marché contestable, des règles prévisibles et une discipline pro-concurrence — pas des couches de tutelle publique ni des expérimentations administratives.
À l’aval, la « plateformisation » et l’intégration verticale des géants accélèrent : modèles, cloud, distribution MaaS deviennent des points de passage obligés, ce qui renforce l’urgence d’un cadre européen lisible et fédéral, capable de contrer les verrouillages et de garantir l’accès aux intrants majeurs pour les scale-ups.
Les opportunités offertes par un cadre européen fédéral
L’Europe, elle, a déjà posé des rails — AI Act, DMA, Data Act — qui, appliqués avec rigueur et sans surtransposition franco-française, peuvent desserrer l’étau et sécuriser l’innovation. L’AI Act clarifie les obligations de transparence et les garde-fous, tandis que le DMA et le Data Act redonnent de l’air aux entrants face aux effets de réseau des écosystèmes dominants.
Encore faut-il jouer l’échelle européenne et s’interdire le réflexe national de surcharger le texte d’exceptions et de paperasse: l’essentiel est dans l’exécution unifiée, rapide, pro-innovation, au service d’un véritable marché fédéral des données et des services numériques.
Accès au calcul: Un levier stratégique
Accès au calcul: priorité stratégique, levier de marché. La puissance de calcul est devenue un intrant aussi vital que le capital. Au niveau européen, des supercalculateurs publics existent, mais ils doivent être ouverts selon des règles non discriminatoires, cofinancés par le privé, et réservés en priorité aux projets vraiment ouverts et scalables.
C’est une piste concrète pour desserrer la contrainte d’entrée des nouveaux acteurs, abaisser les coûts fixes et accélérer la diffusion de l’IA utile dans l’économie réelle.
Là encore, le bon réflexe n’est pas l’administration tatillonne, mais l’ouverture, la tarification claire et le principe pro-concurrence — une base déjà identifiée par les autorités avec des propositions en faveur d’un cadre ouvert et rémunéré pour l’accès privé aux ressources de calcul européennes.
Sortir du fétichisme de la subvention
Sortir du fétichisme de la subvention: le cœur du retard français est mental. Croyance persistante que la dépense publique remplacera la liberté économique. Or, les économies d’échelle, la vitesse d’itération et l’attractivité des talents se financent par les marchés, pas par les cabinets.
Les grandes plateformes américaines harnachent leurs effets de réseaux et capitalisent sur des intégrations produits accélérées; elles déploient des modèles et des services de productivité immédiatement monétisables.
Côté France, multiplier « Albert » et les appels à projets ne fabrique ni chaînes d’approvisionnement agiles ni hubs de R&D compétitifs. Ce qui compte, c’est d’orchestrer la concurrence, d’éliminer les verrous d’accès aux intrants (calcul, données, cloud) et de permettre aux entreprises d’acheter, de vendre et de lever des fonds à l’échelle du continent, sans friction inutile.
Vers une réelle ouverture des marchés
Moins d’administration, plus de marchés signifie très concrètement: réduire la complexité réglementaire nationale qui s’ajoute au droit européen, cesser d’annoncer des « services publics de l’IA » à la place d’une politique d’ouverture des infrastructures, renforcer la liberté contractuelle tout en appliquant fermement les règles pro-concurrence, et accélérer l’Union des marchés des capitaux pour que l’hypercroissance se finance ici, pas à San Francisco.
Au-delà du numérique, c’est la condition pour que nos secteurs phares — du luxe à l’hospitalité, de l’industrie créative au retail premium — puissent déployer des innovations data-driven, nouer des partenariats globaux et intégrer l’IA dans leurs opérations sans perdre de temps ni de marge dans des files d’attente administratives.
Conclusion: Entre abstention étatique et empowerment des marchés
Conclusion. « Albert » n’est pas une stratégie, c’est un alibi. La seule politique industrielle qui marche est une politique de concurrence et de marché: ouvrir, privatiser ce qui peut l’être, protéger la contestabilité, et fédéraliser enfin l’espace économique européen.
Moins d’administration, plus de marchés: pour que la France cesse de courir derrière et recommence à distancer, il faut laisser aux entrepreneurs la place — et les moyens — de faire ce que l’État ne sait pas faire, pendant que l’Europe assure l’échelle et la prévisibilité indispensables à la victoire. L’ère des gadgets doit s’achever; celle des marchés, s’ouvrir — vraiment.


